L’ultime café

Je suis désolée, je n’ai pas vraiment d’excuse valable pour mon manquement de la semaine dernière, excepté que je n’avais pas réussi à écrire la suite de Je n’ai pas oublié. Voilà donc la sixième partie de la nouvelle.

Si vous avez de la lecture à rattraper

La première partie est ici

La cinquième partie ici

Bonne lecture !

Je refuse d’y croire. Je relis les derniers messages et maudis la bonne étoile qui semble veiller sur Luc depuis son premier souffle. Il aurait dû tomber en disgrâce dès la réception de cette photo. Une fois de plus, il s’extirpe des griffes de l’infortune par je ne sais quelle circonstance. Sa femme a décidé de fermer les yeux sur son infidélité. J’aurais dû m’y attendre. Cette idiote n’est ni la première et ne sera certainement pas la dernière à pardonner les incartades de son mari.

Je me sens comme dépossédée. Il est parvenu à m’enlever ces sentiments de joie et de triomphe que j’avais si peu ressentis au cours de ma vie. J’ai vibré de nouveau, éprouvé des palpitations et eut le souffle coupé. Le recroiser dans cette supérette m’a ramenée à la vie. Pourquoi l’avoir mis de nouveau sur ma route si ce n’est autrement que pour obtenir justice pour tout ce que j’avais subi ?

Une unique option s’offre à moi. Si elle échoue, je promets d’enterrer ma vengeance et ma personne au fin fond du gouffre duquel revoir Luc m’a ôtée.

Je m’assois une dernière fois dans le café en face de chez Luc. C’est l’endroit rêvé pour lancer mon ultime attaque. Je commande un ultime café, bien serré, pour ne rien louper de ce qui va suivre. Je presse mon doigt sur la touche envoyer. Dans les prochaines secondes ses collègues découvriront en pièce jointe d’un mail que Luc leur a envoyé le baiser des amants maudits. Je prends soin de mettre dans la boucle des membres du comité de direction jusqu’à l’équipe d’accueil de la boîte. Tous doivent apprendre la nouvelle.

Le mail est parti à 8h00 précise. À 8h02, Luc reçoit les premiers mails affolés et intrigués de ses collaborateurs. Je regrette de ne pas m’être faite embaucher pour savourer le spectacle. J’aurais été prête à renoncer au peu que je possède pour être aux premières loges et assister à la débacle de Monsieur Ongaro. Je ne peux que me satisfaire des premiers échanges et de mon imagination débordante pour jouir de sa déchéance. Les premières convocations tombent. Pas sûre que ses beaux yeux ou sa bonne étoile ne le sauvent cette fois-ci. Sa boîte a bien une réputation à entretenir loin de scandales horizontaux de ses employés. Un licenciement ? Une mise à pied ? Je parie sur un licenciement sans ménagement.

Je peux le voir distinctement s’avancer dans le couloir, des babioles et quelques affaires laissées au bureau dans un carton qu’il porte péniblement. Des chuchotements s’élèvent sur son passage le contraignant à courber l’échine. Des doigts spirituels sont pointés vers lui. Il peut les entendre les moqueries de ses nombreux détracteurs qui l’accompagnent jusqu’aux portes de la boîte qui l’a vu grandir. Il tente de rester fort, de ne pas montrer la moindre émotion mais au fond de lui c’est un torrent de pleurs qui l’accablent.

*

Il m’a fallu lire quelques messages et quelques mails éparpillés par-ci par-là pour constater l’ampleur du dégât. En l’espace d’une semaine, il a tout perdu. Son travail, sa femme et même son amant. Tout lui avait filé entre les doigts. De sa vie parfaite, il ne restait qu’une traînée de cendres et quelques affaires empaquetées dans un hôtel miteux en bordure de périphérie.  

Depuis trois mois, il n’a plus posté aucun article ni même fait signe de vie digitale. Luc Ongaro s’est évanoui dans la nature. Pour autant, suite à sa mésaventure de nombreux articles exposant les droits des salariés victimes de revenge porn avaient éclos.

Malgré tout, je ne me sens pas satisfaite. Je pensais naïvement apaiser ma colère en me vengeant mais me voilà de nouveau dans ce lit à me sentir aussi mal qu’il y a trois mois.  Luc ne saura jamais qui a ruiné sa vie. Aura-t-il seulement une once de soupçon sur moi ? Se doutera-t-il que mon fantôme est revenu le hanter ? Pourra-t-il se dire si seulement j’avais décidé de faire mes courses un autre soir que ce vendredi-là ? Comment pourrait-il comprendre si je ne me dévoile pas ? Je veux qu’il sache. Je veux ardemment qu’il comprenne pourquoi lui et moi en sommes ici aujourd’hui.  

Depuis sa séparation, il crèche dans un hôtel funeste en bordure de Paris. Je l’avais suivi un jour après avoir tracé son téléphone. Il portait toujours son béret mais celui-ci couvrait une chevelure bien plus abondante qu’ordinaire, un visage plus bouffi et une barbe hirsute qu’il semblait laisser pousser depuis que sa vie avait viré au cauchemar. Ses cuisses s’étaient également épaissies comme le reste de son corps. Et la fiole qui vidait à grandes gorgées me confirma qu’il noyait sa tristesse dans l’alcool.

Le GPS de son téléphone m’indique pourtant que depuis quelques jours il se trouve à une adresse différente. Je me rends à cette dernière pour en avoir le cœur net. Le signal m’envoie au pied d’un bâtiment ancien dans une très jolie ruelle bien loin de l’hôtel glauque au bord du périph. Je jette un coup d’œil aux différents noms sur l’interphone et y vois celui de Luc. Je ferme les yeux un instant, le temps de les rouvrir mon doigt est enfoncé dans la sonnette déclenchant un appel sonore. Je pense à m’enfuir mais entends la voix de Luc au bout du fil. Sans trop réfléchir, je lui explique que j’ai un colis pour lui. Il m’ouvre la porte et m’indique être au deuxième étage.

Mes jambes me portent à peine, mon souffle s’accélère, j’ai le cœur qui palpite. J’entends le cliquetis et l’ouverture d’une porte. J’aperçois sa tête qui dépasse de la rambarde de son palier. Mon ascension semble durer des heures. Je n’ai qu’une envie, partir à toute vitesse mais poussée par je ne sais quelle force je persiste à monter les marches. Je manque de m’écrouler lorsque je fais face à sa porte. Luc, me voyant essoufflée, me propose un verre d’eau et m’invite alors à rentrer chez lui. Il a perdu du poids et s’est rasé. Je pouvais sentir l’after shave et le parfum pour homme agresser mon nez.

—  Alors il est où ce colis ?

Je pose mon verre d’eau près d’un vase et prend une profonde inspiration. Luc me regarde intrigué.

— Tu ne me reconnais pas ? Lui lançai-je alors.

— Je devrais ? Me demanda-t-il inquiet.

Je soulève alors mon t shirt dévoilant les cicatrices de ce que ses amis et lui m’avaient infligée vingt ans plus tôt.

Voilà c’est tout pour aujourd’hui, découvrez la suite de la nouvelle ici.

En attendant qu’avez-vous pensé de cette partie ? Que s’est-il passé entre Luc et Sarah vingt ans plus tôt ? Quelle suite imaginez-vous ?

Crédit photo : Annie Spratt sur Unsplash

2 réflexions sur “L’ultime café

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