Elle ouvrit douloureusement les paupières. La salle baignait dans une lumière éclatante, éblouissante. Elle se couvrit les yeux à l’aide de sa main, puis elle aperçut à travers les petites fentes une lampe halogène qui clignotait. Enveloppée dans un drap de percale d’un blanc immaculé, elle tourna la tête. Pas de fenêtres, juste cette suspension qui vacillait dangereusement au-dessus d’elle dans un grésillement inquiétant. Les murs étaient si blancs que le moindre grain de poussière aurait fait tache dans ce lieu aseptisé. Paradis ou enfer ? Elle ne savait le dire exactement ! Tout lui paraissait si irréel qu’elle craignait bien que son opération n’ait mal tourné.

Elle toucha alors son nez, celui qu’elle avait rêvé de voir disparaître, d’abord sous des coups de pinceau, puis à coup de scalpel. Elle avait économisé quelques mois pour se débarrasser de cet héritage paternel bien trop épaté selon elle. Un chirurgien avait alors accepté de l’opérer à moindre coût.

Elle fit glisser son index sur les arêtes de son nez, impatiente de découvrir son nouvel attribut. Elle paniqua. Il était toujours là. Fier et étalé, trônant au milieu de sa figure. Elle le palpa plusieurs fois. Elle toucha également le reste de son visage dans l’espoir absurde de retrouver ce nouveau nez tant désiré sur ses joues, près de son menton ou peut-être derrière le lobe de son oreille.

Une douleur aigüe la saisit alors aux lombaires. Elle souleva son drap et aperçut une profonde entaille sur le bas-côté de son ventre.

Non seulement elle avait gardé son nez, mais il semblerait également que le chirurgien ait gardé son rein.